Pour vous proposer ce portrait de rentrée, notre bénévole Anne-Lyse est allée se « pommer » (sic) à Vaulx-en-Velin, dans le verger des Croqueurs de Pommes, à deux pas du canal de Jonage. Au détour d’une inspirante discussion, quel meilleur endroit pour se mettre à l’ombre des arbres, et boire un jus de pommes ultra frais et local ?
C’est sous le soleil juillet que Régis m’accueille dans son verger vaudais. Les moustiques commencent déjà à tourner autour de nos chevilles, lorsque nous empruntons le couloir végétal menant au verger urbain qui attise ma curiosité.
Les 3000 m2 mis à disposition par la ville de Vaulx-en-Velin y accueillent pommiers, poiriers, pruniers, figuiers, amandiers, cognassiers… car, disons-le d’emblée, les Croqueurs – et Croqueuses – de Pommes ne se limitent pas… aux pommes !
L’association est un centre de ressources et de formation qui a comme objectif de faire connaître, apprécier et cultiver, de manière éco-responsable, les variétés fruitières anciennes et régionales.
Elle rassemble à ce jour 85 adhérents, dont environ 15 actifs venant régulièrement entretenir le verger. L’association est indépendante, mais elle partage ses statuts (comme 63 autres associations Les Croqueurs de Pommes en France) avec l’association fondatrice, créée en 1978 à Belfort.
Régis, un président engagé
Après m’avoir offert un verre de jus de pommes, Régis m’en dit plus sur son parcours, et sur son implication dans l’association. Régis a 51 ans. Après une carrière en tant qu’ingénieur commercial dans l’industrie automobile, il se reconvertit en 2022 en tant qu’enseignant en collège et lycée dans les matières scientifiques (mathématiques, physique-chimie).
Son père ayant été lui-même adhérent « croqueur » en Isère, c’est tout naturellement qu’il intègre en 2014 Les Croqueurs de Pommes vaudais, tout proches de son domicile. Il est alors secrétaire bénévole de l’association, dont il devient président en 2020. A travers son implication associative, ce qui anime Régis se trouve principalement dans les valeurs partagées de préservation de l’environnement et la pédagogie : « Pour transmettre notre patrimoine fruitier ancestral aux générations à venir, cela passe par les pratiques culturales respectueuses de l’environnement, mais aussi par la promotion d’une alimentation saine, de saison et durable. »
Une association pour sauvegarder et transmettre
L’association se constitue en un véritable musée vivant des espèces anciennes et/ou locales d’arbres fruitiers. Grâce à l’implication de ses membres, l’association parvient à conserver des dizaines d’espèces comme l’abricot Suchet, obtenu par Gabriel Luizet à Ecully en 1838 ; ou la poire Précoce de Trévoux, obtenue par M. Treyve, horticulteur dans l’Ain vers 1860. Si vous connaissez une espèce d’arbre fruitier qui vous semble intéressante à sauvegarder de par son histoire, son origine, sa rareté ou la qualité de ses fruits, les Croqueurs de Pommes sont là pour vous aider à la conserver.
Retrouver les saveurs perdues des fruits d’autrefois, préserver les arbres existants, faire connaître et apprécier les qualités des fruits traditionnels, tels sont les messages portés par ces bénévoles associatifs depuis près d’un demi-siècle.
L’association a à cœur de transmettre les savoirs arboricoles. Elle anime des ateliers pédagogiques une fois par mois pour permettre à chacun(e) de découvrir les techniques d’entretien des arbres fruitiers : plantation, taille, greffage, lutte contre les parasites de façon naturelle… Ces ateliers sont gratuits, et destinés à quiconque souhaite apprendre à entretenir des arbres fruitiers, vaudais ou non.
L’association n’étant pas habilitée à vendre ses productions, les adhérent(e)s se partagent les récoltes et troquent des graines, plants et greffons régulièrement dans l’année.
Les Croqueurs et Croqueuses organisent également des visites d’écoles et centres sociaux de la région, dans un souci de partager avec les enfants et les habitants les valeurs portées par les membres actifs autour de l’écologie et de la préservation de la biodiversité fruitière.
L’association anime aussi des sessions de plantation d’arbres au sein des établissements scolaires avec les éco-délégué(e)s en collaboration avec leurs enseignant(e)s.
Un verger inventif tourné vers l’extérieur
Différents espaces ont été créés dans les 3000 m2 du verger vaudais :
- Le verger « traditionnel » avec des arbres fruitiers plantés en lignes
- Les arbres en espalier, cette conduite dirigée permet un gain de place
- Deux haies fruitières avec des arbres et arbustes plantés selon les principes de l’agroforesterie, avec un épais couvre-sol
- La pépinière.
Les Croqueurs de Pommes font preuve d’inventivité pour toujours valoriser et agir dans le respect de l’environnement : alternatives aux pesticides (peinture à la chaux sur les troncs, cartons-pièges des larves, bouillie bordelaise, ensachage des fruits), transformation des branches coupées pendant l’année en broyat pour en faire un paillage riche en matière organique, etc.
L’association mène plusieurs actions en dehors de son verger, pour transmettre au plus grand nombre ses savoirs arboricoles et sensibiliser les plus jeunes à l’écologie et la nature : animation d’ateliers pédagogiques dans plusieurs jardins partagés de la Métropole, plantation d’arbres dans des jardins et établissements scolaires, rencontre du grand public en participant à différents événements et temps forts de la région lyonnaise (nos 48 heures de l’agriculture urbaine, mais aussi le festival Agir à Lyon organisé par Anciela, le marché aux plantes de Villeurbanne, le forum des association de Vaulx-en-Velin…).
EUROPOM : Un rayonnement qui dépasse nos frontières !
Tous les cinq ans, le réseau national des Croqueurs de Pommes organise une exposition européenne de fruits du terroir, EUROPOM. La précédente édition s’est déroulée à La Rochelle en octobre 2023 avec environ 5 000 visiteurs sur un week-end. Le grand public a pu découvrir toute la palette des variétés anciennes sur les nombreux stands tenus par des associations françaises, ainsi que de pays voisins européens. Pour nos amis vaudais, le stand y était mutualisé avec leurs voisin(e)s Croqueurs et Croqueuses de Saint-Genis-les-Ollières.
Le succès de ces rencontres de passionnés montre que cet engouement va bien au-delà de nos frontières hexagonales : c’est réjouissant et rassurant, car il en va de la survie de notre patrimoine fruitier !